Sciences sociales non-hégémoniques et écologies de la connaissance : de l'Asie à l'Europe
Depuis plusieurs siècles, l'histoire de l'Occident se confond avec l'histoire du monde. L'économie mondiale de la connaissance est structurée autour d'inégalités épistémiques, d'hégémonies et de dominations. Depuis une vingtaine d'années, les sciences sociales nées dans les mondes occidentaux ont perdu leur hégémonie. Une division claire des pratiques scientifiques s'est développée entre les "périphéries", les "semi-périphéries" et les centres de la vie académique internationale. La question de l'injustice épistémique, qui inclut l'indigénisation des savoirs, a été posée très tôt au XXe siècle en Chine, au Japon et en Corée sans être liée à la colonialité, ce qui a été le cas de la pensée indienne. Sur la base de la production d'une épistémologie partagée avec des sociologues chinois, japonais, coréens et européens , j’ai proposé une sociologie post-occidentale pour ouvrir un dialogue « à parts égales » sur des théories communes et des théories situées en Europe et en Asie. Cette sociologie aborde également des concepts situés dans les théories européennes et asiatiques qui considèrent les modes de création de continuités et de discontinuités ainsi que les conjonctions et disjonctions entre les espaces de connaissance situés dans différents contextes sociaux. Nous produisons une écologie politique de la connaissance sociologique où diverses connaissances peuvent entrer en dialogue articulé dans des cosmovisions et des pratiques émancipatrices. Elle est basée sur la localisation de théories communes et situées entre la diversité des « Occidents occidentaux », des « Occidents non-occidentaux », des « Orients orientaux », des « Orients occidentalisés réorientalisés »… pour produire une pensée post-occidentale. Nous plaçons l’accent sur la complexification et la hiérarchisation des autonomies épistémiques et la construction de nouveaux assemblages épistémiques entre sociologies européennes et sociologies d’Asie. L’enjeu est donc de défaire des orientalismes et des occidentalismes pour produire des espaces de connaissances métisses, hybrides.
Non-hegemonic social sciences and knowledge ecologies : from Asia to Europe
For several centuries, the history of the West has merged with the history of the world. The global knowledge economy is structured around epistemic inequalities, hegemonies and dominations. However, for almost twenty years now, the Western world has lost its hegemony. The global economy of knowledge is structured around epistemic inequalities, hegemonies and dominations, and there exists a clear division of scientific practices developed between “peripheries”, “semi-peripheries” and “centres”in academic life. The question of epistemic injustice, which includes the indigenisation of knowledge, was posed very early in the 20th century in China, Japan and Korea without being linked to that of coloniality, which was the case in Indian sociology. From the production of an epistemology shared with Chinese sociologists, I proposed a Post-Western Sociology to enable a dialogue – on a level footing – on common concepts and concepts situated in European and Asian theories, to consider the modes of creation of continuities and discontinuities, the conjonctions and disjunctions between knowledge spaces situated in different social contexts, to work on the gaps between them. We will describe a political ecology of sociological knowledge in the Western-West, the non-Western-West, the semi-Western West, the Western East, the Eastern East and the re-Easternised East located on an epistemological continuum. In Post-Western Sociology we will introduce the idea of the demultiplication, the complexification and the hierarchization of new epistemic autonomies vis-à-vis Western hegemonies in sociology and the new epistemic assemblages between European and Asian sociologies. The stake is thus to deconstruct orientalisms and occidentalisms to produce spaces of hybrid knowledge.
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Laurence Roulleau-Berger est Directrice de recherche au CNRS, Triangle, ENS Lyon, Directrice française de l'International Advanced Laboratory (IAL) ENS Lyon/Académie des Sciences Sociales de Chine Post-Western Sociology in Europe and in China ; elle est HDR en sociologie, et diplômée de chinois de l’Inalco.
Ses recherches s’inscrivent en sociologie urbaine, en sociologie économique et en sociologie des migrations. Dans le champ de la sociologie de la connaissance elle a produit la post-western theory.
Elle est l’auteure d'un nombre important d'ouvrages et articles dont récemment Post-Western Revolution in Sociology. From China to Europe, Brill, 2016 et Post-Western Sociology. From China to Europe co-dirigé avec Li Peilin, Routledge, 2018.
En 2018, elle a reçu du CNRS, de l’ENS de Lyon et de l’Université de Lyon le Prix Maurice Courant pour ses recherches scientifiques et les activités de l'International Associated Laboratory (IAL) ENS Lyon/Académie des Sciences sociales de Chine "Post-Western Sociology in Europe and in China" dont elle dirige la partie européenne. En 2018, elle a aussi été nommée Distinguished Professor du programme d’experts étrangers de l’Université de Shanghai.
Gratuit
Réservé à
- Chercheurs / Enseignants
- Etudiants
- Alumni
laurence.roulleau-berger [at] ens-lyon.fr (laurence[dot]roulleau-berger[at]ens-lyon[dot]fr)
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