Films minces de cristaux liquides : élasticité et défauts

E. Lacaze 1, J. P. Michel 1, M. Goldmann 1 et M. Alba 2

1 INSP, UMR7588/Universités Paris 6 et 7,  140 rue de Lourmel 75015 Paris

2 LLB, UMR12 CEA-CNRS, CEA-Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette Cedex

 

Les phases cristal liquide sont caractérisées entre autres par la capacité que possèdent les molécules à s’orienter parallèlement entre elles. Ceci confère à ces phases une anisotropie dans leur interaction avec la lumière à la base de leur utilisation dans les écrans de type LCD (Liquid Crystal Displays). La miniaturisation à l’ordre du jour exige maintenant une compréhension des phénomènes à l’échelle microscopique. Or les phases cristal liquide sont bien comprises en ce qui concerne leur comportement macroscopique, mais ce n’est pas le cas des phénomènes qui ont lieu à une échelle microscopique, là où le confinement entre en jeu. Par exemple, la viscosité des cristaux liquides permet d’accommoder les contraintes par des défauts qui sont considérés comme linéaires à l’échelle macroscopique mais dont la structure de cœur, là où les déformations ne sont plus seulement élastiques, est inconnue.

            Afin d’étudier ce type de phénomène, nous avons ordonné des phases smectiques en les adsorbant sur un substrat monocristallin, le MoS2, dans le but de déformer le film de façon contrôlée, en suivant la rotation des couches par diffraction des rayons X. En combinant à la diffraction des rayons X des expériences de microscopie optique et de microscopie à force atomique en film mince (400nm), nous avons montré qu’un système ordonné de stries huileuses est mis en place : les couches smectiques y sont déformées en hémicylindres aplatis et les défauts sont des lignes,  des disinclinaisons, localisées près du substrat, aux centres de courbure des 1/4 de cylindres (signalées par des flèches sur la figure). Nous avons profité de cette localisation pour diminuer l’épaisseur du film à des valeurs où le caractère tridimensionnel du défaut est révélé et où la structure du film déformé est dominée par la présence du défaut. Nous avons alors pu mettre en évidence la structure du cœur des disinclinaisons (en joints de grain tournants représentés sur la figure) ainsi que leur énergie par unité de ligne, en contradiction avec les valeurs qui se lisent dans la littérature. Par ailleurs, nous avons démontré comment le cœur des défauts peut imposer l'évolution avec l'épaisseur des déformations en film ultra-mince (70nm) et créer une situation  inédite en phase smectique, les déformations étant gérées par un joint de grain qui accommode des désorientations proches de 90°. Enfin, en continuant de diminuer l’épaisseur, nous avons réussi à sonder la zone d’ancrage planaire pour mettre en évidence une fusion des couches smectiques au plus près du substrat.